Mohamed KEITA
Decision Intelligence en Afrique : une opportunité stratégique
July 16, 2025

Decision Intelligence

Introduction

L’Afrique fait face à des enjeux majeurs : urbanisation rapide, transformations économiques, systèmes de santé à renforcer, défis agricoles, transitions énergétiques. Mais elle est aussi le théâtre d’innovations agiles, d’initiatives numériques ambitieuses et d’une montée en compétence des talents dans l’écosystème tech et data en particulier.

Dans ce contexte en pleine évolution, la Decision Intelligence représente bien plus qu’un concept : c’est une approche structurante pour accompagner des prises de décision plus efficaces et mieux ancrées dans la réalité.

Pourquoi la DI trouve une résonance particulière en Afrique

1. Une réalité multidimensionnelle

Les décisions publiques comme privées mobilisent souvent plusieurs dimensions à la fois :

  • Santé : gestion de la prévention, renforcement des systèmes locaux.
  • Agriculture : accompagnement des producteurs, sécurité alimentaire.
  • Éducation : pilotage stratégique, optimisation de la carte scolaire.
  • Mobilité : coordination entre transports formels et informels.

La DI permet de mieux articuler ces dimensions, en croisant les données disponibles avec l’expertise terrain.

2. Un besoin croissant de pilotage intelligent

Que ce soit à l’échelle des États, des collectivités, des ONG ou des start-ups, les besoins en prise de décision pilotée par les données s’intensifient :

  • Comment mieux orienter les politiques publiques ?
  • Comment affecter les ressources de manière équitable et efficace ?
  • Comment anticiper les besoins futurs dans des environnements dynamiques ?

La DI ne répond pas à tout, mais elle apporte un cadre méthodologique robuste pour structurer ces choix.

3. Une dynamique locale forte

Les compétences, initiatives et structures locales se multiplient : labs, start-ups, hubs technologiques, centres de recherche. Ce tissu vivant permet d’imaginer des solutions de DI pensées localement, adaptées aux réalités des territoires.

C’est une chance : celle de construire des modèles de Decision Intelligence qui ne soient ni importés ni plaqués, mais conçus avec les acteurs du terrain.

Points de vigilance et leviers d’action

1. Données : au service du contexte

La question n’est pas l’absence de données, mais leur mobilisation. Il existe un foisonnement d’initiatives, d’open data, de données satellites, mais aussi une connaissance locale à valoriser. La qualité passe aussi par l’inclusivité.

2. Renforcement des compétences

De plus en plus de jeunes professionnels africains se forment aux métiers de la data, à la stratégie, à la gouvernance des systèmes. La montée en puissance de ces profils est une clé d’autonomie pour le déploiement de solutions de DI ancrées localement.

3. Gouvernance et éthique contextuelle

Les systèmes de DI doivent être pensés avec exigence éthique :

  • Qui décide des règles ?
  • Quelles implications pour les citoyens ?
  • Quelle transparence dans les mécanismes ?

Des initiatives de gouvernance numérique en Afrique

Des réflexions concrètes sont déjà engagées à l’échelle panafricaine et régionale pour encadrer l’usage des données et du numérique, avec une vision de souveraineté et de développement partagé. Parmi les initiatives notables :

  • AU Data Policy Framework : un cadre stratégique de l’Union africaine pour harmoniser les politiques de données sur le continent, en insistant sur la souveraineté, la gouvernance et l’interopérabilité.
  • Convention de Malabo : entrée en vigueur en 2023, elle pose les bases d’une régulation commune sur la cybersécurité, la protection des données personnelles et les transactions électroniques.
  • Smart Africa / Africa Data Leadership Initiative (ADLI) : une initiative qui soutient les États africains dans la construction de cadres politiques responsables sur les données et l’IA.
  • Sandboxes réglementaires : expérimentations locales soutenues notamment par la Datasphere Initiative pour tester des usages encadrés de la donnée dans des domaines comme la santé, l’agriculture ou la finance.
  • AfriIGF (African Internet Governance Forum) : espace annuel de dialogue entre acteurs publics, privés et société civile sur la gouvernance de l’Internet, la régulation des plateformes et les droits numériques.

Ces initiatives participent à façonner une gouvernance numérique africaine contextualisée, collaborative, et tournée vers les usages concrets.

Conclusion

La Decision Intelligence peut devenir un véritable catalyseur pour accompagner les transformations à l’œuvre en Afrique. Elle permet de bâtir des systèmes décisionnels plus transparents, plus participatifs, plus adaptés aux réalités locales.

L’enjeu n’est pas de reproduire des modèles existants, mais d’inventer des approches originales, puissantes, ancrées dans les dynamiques du continent.

Cela suppose de :

  • Valoriser les expertises locales,
  • Soutenir les collaborations entre acteurs publics, privés, associatifs,
  • Renforcer une culture de la donnée tournée vers l’impact et l’inclusion.

La DI, en Afrique comme ailleurs, n’est pas une fin en soi. Mais elle peut être un formidable levier de souveraineté, d’innovation et de transformation collective.

Cette série sur la Decision Intelligence s’achève ici. J’espère qu’elle aura permis de mieux comprendre ce concept, ses leviers concrets, et son potentiel pour nos contextes africains.

La suite ? Expérimenter, adapter, co-construire.